dimanche 6 novembre 2011

Le changement, y'a que ça de vrai !

Il y a un peu plus de six mois de cela, Stephen Harper devenait –encore- le premier ministre du Canada. Cette fois, son parti réussit à être majoritaire à la Chambre des Communes, en remportant 166 des 308 sièges disponibles. Comment oublier la vague orange, qui fit élire 57 « NPDistes » au Québec, sur 102 au total ? Comment oublier la déconfiture du Bloc Québécois, qui vit Gilles Duceppe démissionner de son poste ? Accessoirement, le BQ n’est même plus un parti politique reconnu en Chambre, mais est devenu un « mouvement politique ». Exit le budget, exit le temps de parole. Les Québécois voulaient du changement.


La crise du Bloc, si je puis l’appeler ainsi, a peut-être fait germer l’actuelle crise au PQ, avec les dissensions envers Pauline Marois, les démissions, le lavage de linge sale en public, bref, une quasi-mutinerie. La mort de Jack Layton a laissé le NPD sans chef réel. Le parti libéral était déjà acéphale, le parti vert n’a que Elisabeth May. Dans ces conditions, le parti conservateur est le seul parti politique à Ottawa qui a un chef, une organisation stable, des revenus, un agenda clair et le pouvoir de le réaliser. Malheureusement, cet agenda est parfaitement contraire aux intérêts du Québec. Les Québécois voulaient du changement.


Les Québécois ont encore voté pour une personne, non pas pour une idée. Jack est sympathique, Jack est gentil, Jack parle français, Jack va nous arranger tout ça. Le fait reste que tous les analystes sont d’accord, le NPD est un parti fédéraliste, qui veut conserver le Québec au sein du giron canadian. L’électeur moyen Québécois a donc voté pour du changement, mais en ayant le même comportement de d’habitude. L’électeur ne veut pas changer son comportement, mais veut que tout autour de lui change. Messieurs, Mesdames, je vais partager avec vous une parcelle de vérité : ça ne peut pas marcher pas comme ça. Si on écoute les sondages, les Québécois voulaient du changement.


Depuis l’accession au pouvoir du cowboy Harper, nous avons perdu notre siège au Conseil de sécurité des Nations Unies; rejeté le Protocole de Kyoto; vu modifier le recensement fédéral au détriment des minorités linguistiques et culturelles; accordé plus de $7 milliards à l’industrie automobile en Ontario tout en n’accordant que $200 millions à l’industrie forestière au Québec[1]; vu le Sénat basculer aux mains du gouvernement conservateur, lui assurant de passer toutes ses lois sans obstacles. Les prochaines lois que passeront le gouvernement causeront : l’abolition du registre des armes à feu; l’imposition de peines minimales pour les jeunes contrevenants et les délits concernant la drogue, ignorant complètement la notion de la séparation des pouvoirs d’un État, soit le législatif, l’exécutif et le judiciaire, conformément aux principes élémentaires de bonne gouvernance reconnus mondialement depuis Montesquieu (!); augmentera le nombre de sièges à la Chambre des Communes à Ottawa, officiellement pour respecter la démographie changeante du pays, officieusement pour réduire le poids politique du Québec.


De plus, comme s’il fallait en rajouter, Stephen Harper a nommé 36 sénateurs (sur 54 d’allégeance conservatrice) dont Josée Verner, Larry Smith et Jacques Demers (!)[2]; il a nommé 2 juges unilingues anglais à la cour supprime du Canada; a nommé un unilingue anglophone au poste de vérificateur général du Canada.


Fait cocasse, c’est le seul premier ministre de l’histoire parlementaire du Commonwealth Britannique (54 pays constituent le Commonwealth, soit entres autres l’Angleterre, le Canada, l’Australie, l’Inde et le Kenya)[3] à se faire trouver coupable d’outrage au Parlement et à se voir forcé de tenir de nouvelles élections.

Je ne peux que conclure une seule chose : Les Québécois voulaient du changement, eh bien, ils l’ont eu. On est passé de « mauvais » à « affreux » et rien ne semble vouloir changer de ce côté. La première chose que les Québécois se doivent de changer, c’est leur mentalité par rapport à la politique. Si nous ne commençons pas à nous en occuper davantage, nous allons recevoir encore la même chose qu’avant : du mépris et de l’indifférence.


Aux prochaines élections, allez lire le programme politique de votre candidat, vous en apprendrez sûrement plus qu’en regardant Star Cacadémie ou Ovulation double. En tout cas, ça va avoir un plus gros impact sur votre vraie vie, celle qui ne se passe pas à la télé.


Une dernière chose : aux prochaines élections, essayez donc de voter pour un candidat indépendantiste. Vous voulez du changement ? Votre propre pays, c’est-tu assez du changement pour vous, ça ?





[1] Selon une publication du gouvernement de l’Ontario, il y avait 125000 travailleurs de l’automobile en 2007, pour un ratio sommaire « dollar/employé » de $56000. http://www.ontariocanada.com/ontcan/1medt/downloads/sector_brochure_auto_en.pdf


Selon un document du Bloc Québécois, il y avait 88000 travailleurs forestiers en 2009, pour un ratio sommaire « dollar/employé » de $2272.72. http://www.blocquebecois.org/fichiers_public/090511_bloc-quebecois_plan-de-relance-secteur-forestier.pdf


Un travailleur ontarien vaut donc 24 fois plus cher qu’un travailleur Québécois aux yeux du gouvernement fédéral de Harper.



[2] La liste complète et détaillée des sénateurs se trouve en ligne ici : http://www.parl.gc.ca/SenatorsMembers/Senate/SenatorsBiography/ISenator.asp?Language=F



[3] La liste complète se trouve en ligne ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Commonwealth_of_Nations

samedi 24 septembre 2011

Roulette russe

Tout le monde connaît les règlements de ce jeu tristement célèbre: une seule balle est chargée dans le barillet d'un revolver de six coups. À tour de rôle, les participants tournent le barillet et se mettent le canon sur la tempe sans voir si la balle se trouve dans la chambre de barillet fatidique, et appuient sur la détente.
L'espoir de survivre est la seule lumière qu'il peut y avoir au bout du tunnel. Dans cinq cas sur six, l'espoir l'emporte. Dans le dernier cas, la balle. C'est un jeu joué par des désepérés, qui en sont rendus à jouer leur vie pour se sortir du pétrin parce que l'alternative est encore plus lugubre.

Quel rapport avec le Québec ?

Depuis une quarantaine d'années, les Québécois se sont faits offrir différentes options quant à leur situation politique au Canada. Chaque nouvelle élection amène son lot de changements et d'adaptations, dans des mesures différentes. Une élection provinciale n'a pas le même impact sur nos vies qu'une élection fédérale, non plus. Notre relation politique avec le ROC est complexe, mais tant que le Québec sera dans le giron canadian, nous n'avons pas d'autre choix que de se prêter au jeu du fédéralisme sous toutes ses formes.

Préambule - Le fédéralisme en général

Soyons clairs en partant: toute fédération, ou confédération, a pour but de centraliser les pouvoirs vitaux
(monnaie, armée et défense, transport maritime, transports ferroviaires, ressources naturelles, aéroports, communications, affaires étrangères, technologies, recherche et développement, tribaunaux criminels) et laisse aux régions (provinces) les pouvoirs mineurs tels l'éducation, la santé, la culture, le commerce intérieur, les services sociaux, tribunaux civils, etc. Tous les pays de nature fédérale fonctionnent de cette façon. Deux
gouvernements, l'un soumis à l'autre, l'un subordonné à l'autre. Les Lois fédérales auront toujours préséance sur les Lois provinciales, même celles qui sont strictement de juridiction provinciale. La constitution canadienne donne au gouvernement fédéral le pouvoir de dépenser, ce qui est l'équivalent d'une carte VIP tout-accès aux programmes québécois. Avec ce pouvoir, le gouvernement fédéral peut décider qu'il crée une subvention, par exemple, le faisant concurrencer les services offerts par le Québec dans n'importe quelle compétence, même l'éducation ou la santé. Cette intrusion crée une dépendance économique dans
certains secteurs; les citoyens et entreprises profitant de ces subventions ne veulent bien sûr plus les perdre.
Ce dédoublement de services coûte cher aux contribuables qui se trouvent à financer le même service au niveau provincial et fédéral. Les Québécois paient, au final, pour leur propre dépendance au gouvernement
centralisateur fédéral.

Chambre 1 - Le premier référendum (1980)

Lors du premier référendum, celui avec la question longue et alambiquée, le gouvernement Trudeau voulut calmer la vague de mécontentement au Québec, qui avait donné lieu à la naissance d'un parti politique aujourd'hui en dormance dont je taierai le nom. Trudeau sortit le concept de fédéralisme renouvelé pour amadouer les électeurs et faire semblant de leur offrir des solutions aux problèmes que vivaient les Québécois. Trudeau avait même affirmé vouloir mettre son siège en jeu afin qu'un vote de rejet du projet
souverainiste ne soit pas interprété comme une approbation du statu quo, mais bien comme un vote pour le changement. Bien sur, au lendeman du référendum, toute promesse fut oubliée. Trudeau n'eut aucun remords à tourner le dos au Québec. Il n'en avait pas eu lorsqu'il avait déchaîné ses tanks dans les rues de Montréal en octobre 1970, pourquoi en aurait-il eu alors ? La seule chose qui fut renouvelé fut le mépris
envers le peuple Québécois. Trudeau entama alors son projet de rapatrier la constitution du giron britannique, avec les conséquences que l'on sait.

Chambre 2 - Le rapatriement de la constitution (1982)

Le rapatriement de la constitution canadian implique que le Canada possède désormais tous les pouvoirs
pour modifier sa Loi fondamentale. Avant cela, il était théoriquement possible, quoique très ardu, pour un citoyen du Québec de faire appel au Conseil Privé de l'Angleterre pour faire valoir certains droits ou faire certaines demandes. Un cas bien connu est la pendaison de Louis Riel en 1885; après son procès expéditif et sa condamnation fatidique, il y eut un appel de fait auprès dudit Conseil pour demander la tenue d'un nouveau procès devant des pairs francophones et plus impartiaux. Cette demande fut refusée et Riel fut pendu le 16 novembre 1885. Le rapatriement rend caduque cette procédure qui, somme toute, ne faisait que retarder l'inévitable, i.e. la domination anglaise sur les francophones.

Trudeau convoqua de force les provinces le soir du 4 au 5 novembre 1981 afin de ratifier l'accord. René Lévesque n'avait pas été mis au courant de cette rencontre; il n'a donc pu représenter le Québec ni s'opposer à la signature du document. Cette nuit est désormais connue comme "la nuit des longs couteaux". Le gouvernement fédéral canadian n'a plus à demander la permission à la couronne britannique pour flouer le Québec, il peut le faire tout seul. Aucun gouvernement Québécois depuis 1982 n'a accepté de signer ce document.

Chambre 3 - L'entente du Lac Meech (1987)

La déception fut grande parmi les Québécois à la suite du premier référendum, ainsi que lors du rapatriement de la constitution. Brian Mulroney fit la plus belle tentative de récupération politique de l'histoire récente. Il se proposa d'intégrer le Québec dans la constitution canadian "dans l'honneur et l'enthousiasme". Petite révision historique: trois provinces se sont officiellement prononcées contre le
projet de rapatriement: le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et Terre-Neuve. Le Québec avait cinq
demandes jugées minimales afin de ratifier le nouveau document constitutionnel. Chacune d'elles faisaient
ressortir le caractère distinct du Québec face au ROC, et bien sûr ça a causé des remous un peu partout "a mare usque ad mare". L'une d'entre elle accordait un droit de veto eu égard à certains amendements de la constitution. Bien sûr, aucune autre province ne voulait accorder au Québec un droit unilatéral de modification de la constitution. Par contre, la Supprime Court of Canada a reconnu la légalité du
rapatriement unilatéral de la constitution, même sans l'assentiment du Québec. Les médias anglophones de partout au pays traitaient les francophones du Québec d'irresponsables, de bébés gâtés, de racistes et même de traîtres. Garry Filmon, le premier ministre du Manitoba de l'époque ,affirme que de "reconnaître que le Québec est une société distincte [ ] c'est aller tout droit vers la séparation du Québec."

Voici, en condensé, les cinq demandes du Québec:
1. Une reconnaissance du Québec comme société distincte et de l'existence du fait français
2. Que le Québec dispose d'un droit de veto à l'égard de certains amendements importants à la Constitution
3. Le droit de retrait d'une province, avec compensation, de tout programme initié par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale
4. Une reconnaissance accrue des pouvoirs provinciaux en immigration
5. Que les trois juges québécois de la Cour suprême du Canada soient nommés par le gouvernement fédéral sur proposition du gouvernement du Québec

René Lévesque qualifia cette entente de "beau risque". Cette attitude de soumission causa la démission
gouvernementale de députés et ministres influents tels Jacques Parizeau, Camille Laurin et Guy Chevrette.
Je passerai sous silence le deuxième référendum de 1995. Le parti libéral fédéral de Jean Chrétien avait pourtant brisé la loi électorale en dépensant neuf fois plus que la limite permise, en achetant ou en faisant construire des panneaux le long des autoroutes pour afficher l'option du Non, financé le tristement célèbre "Love-In", etc. Il y eu aussi l'inscription irrégulière de plus de deux cent mille (200,000) personnes sur les listes électorales. L'immigration au Québec, en 1995, a connu un bond spectaculaire de 87%, soit plus de
43,000 personnes. Jean Chrétien avait même affirmé lors de la commission Gomery que lorsqu'on est en guerre, on ne regarde pas le prix des balles. Le camp du Oui a perdu d'un peu plus de 52,000 voix. Certains diront que 50%+1 n'aurait pas été suffisant pour accepter que le Oui l'emporte. Pourtant, 50,6% fut suffisant pour accepter le Non.

Chambre 4 - La reconnaissance superficielle de la nation Québécoise (2006)

En 2006, le Bloc Québécois a déposé une motion à la chambre des communes à Ottawa qui demandait la reconnaissance du Québec comme nation. Ce geste s'en voulait un de défi, voire de provocation. Le but était de mettre les partis fédéralistes dans l'embarras, en supposant qu'ils refuseraient de reconnaître une
telle chose. La motion a été battue, sans surprise, par 233 voix contre 48. La surprise est apparue en novembre 2006, lorsque le parti conservateur a déposé une motion reconnaissant la nation Québécoise, en ajoutant au texte la phrase "au sein d'un Canada uni". Les libéraux se sont joints au gouvernement pour appuyer la motion, qui a passé à 266 contre 16. Que signifie cette motion ? Quels sont les impacts réels de cette reconnaissance que Maxime Bernier qualifiait "d'historique" ? Cinq ans plus tard, on constate bien l'ampleur de la considération du gouvernement Har-peur envers la nation Québécoise. Minoritaire ou non, crise financière ou non, cinq ans donnent amplement le temps de concrétiser une motion qui se veut
rassembleuse et pacificatrice. Si vraiment Har-peur voulait amadouer les Québécois, il aurait transféré des pouvoirs, éliminé des services en double, accordé une voix au Québec dans les négociations avec les pays étrangers, les exemples fusent. Et pourtant, rien.

Bien au contraire, depuis qu'il est au pouvoir le gouvernement Harper a déposé des motions pour:
1. augmenter le nombre de sièges à la Chambre des communes à Ottawa, réduisant d'autant le poids politique du Québec
2. permettre l'incarcération des mineurs dans des prisons pour adultes
3. accorder des réductions d'impôts aux compagnies pétrolières de l'ouest canadien
4. limiter la portée de l'engagement du Canada envers le protocole de Kyoto.
En mars 2011, le gouvernement Harper est accusé d'outrage au parlement - du jamais vu dans l'Histoire canadienne- et celui-ci force des élections pour ne pas faire face à un vote de confiance des partis de l'opposition. Le 2 mai suivant, Harper remporte ces élections et forme un gouvernement majoritaire sans l'aide du Québec (avec seulement 4 députés conservateurs sur 167), encore du jamais vu.

Chambre 5 - Le risque renouvelé

Depuis 1990, année de création du Bloc Québécois, le Québec avait élu majoritairement des députés bloquistes. L'idée d'avoir des ambassadeurs nationalistes au sein de l'organisation fédéraliste plaisait à bien des gens. Avec les années, la raison d'être de cette formation politique n'était plus autant de faire valoir la position du Québec, mais de "défendre les intérêts du Québec", acte que tous les autres partis à Ottawa se
vantaient de faire avec toutefois moins de convictions. Lors des élections de mai 2011, les Québecois ont massivement changé de registre politique et ont porté à l'opposition officielle un parti fédéraliste dont la renommé au Québec reposait sur
un seul homme et un seul visage, Jack Layton. Certains candidats, qu'on a qualifiés de "poteaux", n'avaient jamais mis les pieds dans leur circonscription électorale. Certains ont dûs quitter l'école pour prendre place à la Chambre des communes. Serons-nous vraiment bien servis par ces élus? Sauront-ils atteindre le niveau de professionnalisme que leur nouvelle vocation exige d'eux ? Sans mettre en doute leur bonne volonté,
l'auteur de ces lignes ne croit pas que leur talents combinés n'atteignent grand-chose.

Le BQ, NPD et le PLC n'ont pas de chefs actuellement. Le Bloc est relégué au rang de "groupe politique", n'ayant pas assez de députés élus pour être considéré comme un parti à part entière. Le NPD survivra sûrement ailleurs au Canada, mais l'illusion d'espoir est terminée au Québec. Le PLC continuera d'être le
PLC: pourri de l'intérieur et inclusif de tout le monde, sauf des Québécois.

5 chambres vides, le Québec est toujours là. La prochaine fois... doit-on encore jouer à ce jeu dangereux et sans issue ? Combien de chambres seront encore vides ? Craignons-nous l'inconnu à ce point qu'on préfère faire face à la mort certaine ?